Accueil Economie Supplément Economique Regard d’expert | Mounir Majdoub, économiste et consultant en politiques de développement durable à La Presse : «L’entreprise tunisienne n’a d’autre choix que de s’engager dans la réduction de son empreinte carbone»

Regard d’expert | Mounir Majdoub, économiste et consultant en politiques de développement durable à La Presse : «L’entreprise tunisienne n’a d’autre choix que de s’engager dans la réduction de son empreinte carbone»

 

Pour décarboner, toute entreprise industrielle est appelée à s’engager dans deux actions: l’efficacité énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables. Le défi est d’autant plus important et urgent pour l’entreprise tunisienne, notamment exportatrice.

Comment engager l’entreprise tunisienne dans un projet de décarbonation industrielle?

La décarbonation signifie la réduction, voire l’élimination de l’empreinte carbone d’une entreprise ou d’un produit quelconque. Ce qu’il faut savoir, c’est que la majeure partie des émissions de carbone provient de la combustion de l’énergie fossile. Par conséquent, pour décarboner, toute entreprise industrielle est appelée à s’engager dans deux actions : l’efficacité énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables. Le défi est d’autant plus important et urgent pour l’entreprise tunisienne, notamment exportatrice, car les donneurs d’ordre internationaux exigent de plus en plus un contenu carbone dans les produits qu’ils achètent faible sinon nul. Ceci outre la réglementation européenne qui a instauré un mécanisme d’ajustement carbone à la frontière (Macf), en d’autres termes une taxe carbone à l’entrée du territoire européen à partir du premier janvier 2026. De ce fait, l’entreprise tunisienne n’a d’autre choix que de s’engager dans la réduction de son empreinte carbone.

Pensez-vous que le tissu industriel tunisien est suffisamment préparé à cette mutation?

Actuellement, hormis les grands groupes industriels et les PME tournées entièrement vers le marché européen, la plupart des entreprises industrielles ne sont que faiblement engagées dans ce processus de décarbonation. D’une part, parce que ces entreprises, dans leurs usages énergétiques, électriques du moins, dépendent entièrement de l’électricité fournie par la Steg. Laquelle électricité est à 95% produite à partir du gaz naturel, émetteur de carbone. Il faudra attendre que le Mix électrique national intègre plus fortement le renouvelable. L’Etat s’est fixé un objectif de 35% à l’horizon 2030. Espérons qu’il sera atteint ! D’autre part, les PME industrielles en Tunisie dépendent fortement de leur chaîne d’approvisionnement en matière première et semi-finie. L’empreinte carbone de telles matières, en grande partie importés, est calculée dans l’empreinte carbone totale des produits manufacturés localement. Ce qui signifie que pour décarboner, nos entreprises sont appelées non seulement à rationaliser leurs consommations énergétiques et investir dans le renouvelable, mais aussi à maîtriser leur chaîne d’approvisionnement. Ce qui est loin d’être acquis.

Rien qu’au regard de la réglementation Macf de l’Union européenne, la majeure partie de notre secteur industriel est concernée par la décarbonation. Rappelons que les produits visés par le Macf sont : l’acier et l’aluminium, le ciment, l’électricité et les engrais chimiques. Mais, en fait, ce sont tous les produits manufacturés ayant une certaine proportion de ces produits qui sont concernés. Ceci représente 30 à 40 % du PIB industriel et près de 20% des exportations.

Comment concilier les défis énergétiques avec les besoins de décarbonation ?

Il est clair que pour la Tunisie d’une manière générale et pour l’industrie nationale en particulier, s’engager dans la décarbonation et atteindre la neutralité carbone en 2050 signifient moins d’énergie fossile, pétrole et gaz, et plus d’efficience énergétique et de renouvelable.

A terme, cela signifie moins de dépendance énergétique à l’égard de l’extérieur et moins de subventions énergétiques.

Nonobstant le double bénéfice : économique pour l’entreprise industrielle et écologique pour la nation tout entière et les générations futures.

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